" Des textes classiques du yoga, tels que les Yoga Sutras de Patanjali, écrits environ il y a deux mille ans, affirment avec aplomb que si vous vous asseyez calmement, que vous vous concentrez sur votre esprit, et que vous pratiquez le tout assidûment, vous développerez des pouvoirs supernormaux. Ces capacités supérieures ne doivent pas être assimilées à des dons magiques ; ce sont seulement des capacités ordinaires que tout le monde possède. Nous sommes juste si éloignés d’elles la plupart du temps que nous ne parvenons pas à y accéder aisément. On les a rebaptisées télépathie, clairvoyance, précognition et psychokinèse. "


jeudi 24 août 2017

5 questions à Bernard Werber



Lorsque l'écrivain Bernard Werber regarde sa montre, il est souvent 15h15, ou 2h02, ou tout autre horaire symétrique. Un sujet détonnement et d'interrogation comme des centaines d'autres pour cet auteur prolixe, qui a signé plus de vingt romans, réalisé un film, et qui vit son écriture comme un rêve éveillé.

Propos recueillis par Virginie Gomez.


Quelle expérience extraordinaire vous a particulièrement marqué ?

Bernard Werber : J'ai rencontré quelqu'un qui m'a appris à faire du voyage astral, et ça m'a inspiré. Les thanatonautes. C'était en colonie de vacances. Nous avions 13 ans tous les deux et il faisait du raja Yoga. Il m'a appris à respirer, à regarder, à tout faire en conscience, à maîtriser mes battements cardiaques, à nettoyer mon nez avec de l'eau salé... C'était une initiation à la spiritualité. Il disait que tout était le yoga. Il m'a aussi appris à tenir une posture, faire le vide dans ma tête et sortir de mon corps. Sur le moment, il m'a semblé que c'était ce qui se passait pour moi. Avec le recul, je me demande si je ne m'en suis pas convaincu moi-même.


A 13 ans, n'est-on pas plus enclin à croire ce genre de chose possible, sans se poser trop de questions?

Pas du tout. Ce n'était pas des trucs de gamins, comme ceux qui se touchent les doigts pour appeler les fantômes. J'étais très raisonnable déjà à 13 ans, passionné par les sciences. On lisait beaucoup tous les deux. Lui faisait deux heures de yoga le matin, deux heures le soir, il faisait attention à sa nourriture, il se levait tous les jours à six heures, il restait en position du lotus, immobile, pendant au moins une heure. Il avait une discipline de yogi, elle lui venait d'un enseignement qu'il avait reçu d'un maître indien. Ce n'était pas du tout un ado, et moi non plus. Nous étions très conscients de ce que nous faisions. Ça m'a donné envie de poursuivre, j'ai cherché un club de raja yoga à Toulouse, j'en ai essayé plusieurs, mais ce que j'y ai trouvé était inintéressant et n'avait rien à voir avec ce qu'on m'avait enseigné.

Vous parlez parfois d'un pas nécessaire de la conscience humaine. N'ayant pas trouvé d'initiation au raja yoga, comment vous-même avez-vous fait ce pas ?

Ce que je dis, c'est que nous vivons non pas de l'intelligence, mais de la conscience. L'intelligence n'apporte pas le bonheur, elle permet de faire des calculs. La conscience apporte une expansion de l'âme, et une capacité à comprendre les autres et toutes les formes de vie. J'ai trouvé une autre manière de faire ce pas de conscience : mon écriture, la façon dont je l'aborde est pour moi un moyen de poursuivre mon initiation au yoga. Quand j'écris, je suis par moment en état de transe. Je m'oublie complètement. Je pratique l'écriture depuis l'âge de 16 ans et je vais en avoir 50, ça fait donc 34 ans que j'écris tous les jours, et ça me met dans un état de flottement que j'appellerai du rêve éveillé. C'est ma forme de spiritualité la plus active. L'avantage, c'est que c'est mon métier et que ça aboutit à quelque chose de visible pour les autres.

Beaucoup de choses vous échappent-elles au cours de ce processus ?

 Il y a un lâcher-prise qui est ma forme de maturité, au contaire d'un écrivain débutant qui voudrait tout contrôler. Plus on pratique, plus on est dans une sorte d'inspiration naturelle. Quand j'écris, je ne sais pas où je vais aller. Je suis le premier lecteur de ma propre écriture et le premier surpris de ce qui sort. Quand il y a des dialogues, ce que va dire un personnage ne m'aurait jamais traversé l'esprit. Et pourtant, c'est sorti, et c'est moi qui l'ai tapé. En l'écrivant, le dialogue va me faire rire ou va me surprendre. Est-ce une forme de schizophrénie? Est-ce que mes personnages existent ? Je ne sais pas. Mais c'est une sensation très amusante. Tout à coup, mes dialogues se mettent à exister automatiquement. Je me laisse porter... comme au surf. Il y a une vague. Mon art consiste à essayer de me placer au bon en droit, et une fois sur la crête, d'y rester le plus possible sans tomber. L'écriture est devenue mon yoga. Elle me permet de planer, d'avoir des extases. Elle me permet aussi de savoir qui je suis.


En vous perdant, vous arrivez à savoir qui vous êtes ? 

 La machine à intellectualiser, à tout expliquer, à reproduire des habitudes, s'éteint. Apparaît alors autre chose, le moi véritable, la pensée pure. Et c'est ça qui écrit. Je ne recherche pas la magie, les fantômes, la méditation, les produits hallucinogènes. Je cherche juste à me reconnecter. Dans le yoga, on fait taire le papillonnement de la pensée. Autre chose apparaît, qui est le moi véritable. Certains y arrivent peut-être aussi par le sport, la peinture, l'alpinisme... Moi c'est dans l'écriture que je fais taire l'intellect et laisse parler l'inconscient.

Source : Le magazine de l'INREES numéro 11.

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